Le cor triatriatum est une malformation congénitale rare caractérisée par la présence d'une cloison intra-auriculaire divisant partiellement ou complètement une oreillette en deux chambres distinctes. Cette séparation anormale peut entraver le flux sanguin normal au sein du cœur et provoquer des conséquences hémodynamiques graves si elle n'est pas diagnostiquée et traitée précocement. La forme la plus fréquente affecte l'oreillette gauche, où une membrane sépare le retour veineux pulmonaire du reste de l'oreillette.
Le cor triatriatum représente une part très minoritaire des cardiopathies congénitales, avec une prévalence estimée à environ 1 cas sur 15 000 à 25 000 naissances vivantes. La plupart des cas sont diagnostiqués durant l'enfance, mais certains sujets peuvent rester asymptomatiques jusqu'à l'âge adulte, en particulier si la malformation est de petite taille.
La cause du cor triatriatum est liée à un défaut survenant au cours du développement embryologique du cœur. Lors de la sixième semaine de gestation, le cœur fœtal subit une série de remaniements complexes pour séparer les deux oreillettes. Une anomalie dans ces étapes critiques conduit à la persistance d'une membrane intra-auriculaire, divisant l'oreillette en deux chambres distinctes.
Les principales formes de cor triatriatum sont :
Le cor triatriatum sinistrum est souvent associé à d'autres anomalies congénitales, notamment le défaut du septum interauriculaire (DSA) ou la sténose mitrale congénitale.
Le cor triatriatum crée un obstacle physique au flux sanguin entre les cavités auriculaires. Selon la taille de la membrane et la dimension de l'orifice de communication, la sévérité de l'obstruction varie. En général, une obstruction significative entraîne une surcharge volumique ou pressive des cavités en amont et une altération progressive de la fonction cardiaque.
Dans le cor triatriatum sinistrum, l'obstruction du flux veineux pulmonaire entraîne une élévation de la pression auriculaire gauche, responsable de :
En l'absence de traitement, la surcharge chronique peut conduire à l'insuffisance cardiaque gauche, à une dégradation progressive de la fonction ventriculaire et, dans les cas extrêmes, à la formation d'un shunt droite-gauche par inversion de la pression intra-cardiaque (syndrome d'Eisenmenger).
Le cor triatriatum est une anomalie congénitale survenant au cours du développement embryonnaire. Bien que la majorité des cas soient sporadiques, certains facteurs augmenteraient le risque de malformations cardiaques, dont :
La prévention spécifique du cor triatriatum n'est pas possible. Toutefois, des mesures générales de prévention des malformations congénitales incluent une bonne surveillance prénatale, la vaccination contre la rubéole avant la grossesse et l'évitement de l'exposition aux substances tératogènes.
La présentation clinique du cor triatriatum dépend du degré d'obstruction induit par la membrane intra-auriculaire. Les formes sévères se manifestent précocement, tandis que les formes mineures peuvent rester silencieuses pendant plusieurs années.
Chez les nourrissons et les enfants, les symptômes révélateurs peuvent inclure :
Chez les adultes, les symptômes incluent principalement :
À l'auscultation cardiaque, le cor triatriatum est suggéré par :
Les signes de congestion pulmonaire (crépitants pulmonaires, augmentation de la pression veineuse jugulaire) sont fréquemment observés dans les formes avancées.
Le diagnostic de cor triatriatum doit être suspecté devant un patient présentant des signes d'insuffisance cardiaque gauche inexpliquée, particulièrement en l'absence d'autres causes apparentes, et en présence d'un souffle cardiaque atypique.
L'échocardiographie transthoracique est l'examen de première intention, permettant de visualiser la membrane intra-auriculaire et d'évaluer l'impact hémodynamique. L'utilisation du Doppler couleur permet de détecter l'accélération du flux à travers l'orifice membraneux.
En cas de doute diagnostique ou pour une meilleure caractérisation anatomique, une échocardiographie transœsophagienne est indiquée, offrant une résolution supérieure, notamment chez l'adulte.
L'IRM cardiaque fournit une évaluation tridimensionnelle détaillée du cœur, permettant de mesurer précisément l'épaisseur de la membrane et l'étendue de l'obstruction.
Le cathétérisme cardiaque est rarement nécessaire pour établir le diagnostic, mais peut être utile en cas de planification interventionnelle complexe, en mesurant les gradients de pression entre les cavités auriculaires.
La prise en charge du cor triatriatum dépend de la sévérité de l'obstruction hémodynamique et de la symptomatologie. Les patients asymptomatiques avec une obstruction minime peuvent être suivis cliniquement avec une surveillance échocardiographique régulière. En revanche, en présence de symptômes significatifs, un traitement interventionnel est nécessaire.
La résection chirurgicale de la membrane intra-auriculaire est le traitement de référence pour le cor triatriatum symptomatique. L'intervention est réalisée sous circulation extracorporelle et consiste à :
La mortalité opératoire est très faible dans les centres spécialisés, et les résultats à long terme sont excellents, avec une restauration complète de la fonction cardiaque dans la majorité des cas.
Les approches percutanées par cathéter sont encore expérimentales pour le cor triatriatum, mais peuvent être envisagées dans des cas très sélectionnés présentant une membrane fine et un orifice unique facilement accessible. Cette technique utilise des dispositifs de dilatation ou de perforation pour ouvrir la membrane, évitant ainsi une chirurgie ouverte.
Les résultats initiaux sont prometteurs, mais des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer leur efficacité à long terme.
Le pronostic après traitement chirurgical du cor triatriatum est généralement excellent. La plupart des patients retrouvent une qualité de vie normale, sans restrictions physiques majeures, et avec un risque minimal de complications ultérieures.
Les facteurs influençant positivement le pronostic sont :
En revanche, un diagnostic tardif ou la persistance d'une hypertension pulmonaire avancée peut entraîner des séquelles irréversibles, réduisant ainsi l'espérance de vie.
Les principales complications du cor triatriatum non traité ou traité tardivement comprennent :
Une prise en charge chirurgicale rapide est essentielle pour prévenir l'apparition de ces complications et optimiser la survie et la qualité de vie des patients.